Si vous avez déjà ouvert un traité d’alchimie ou un livre de Kabbale, vous avez sûrement ressenti cette frustration : c’est incompréhensible.
Pourquoi dessiner un lion vert mangeant le soleil ? Pourquoi parler de “colonne brisée” ou d'”étoile flamboyante” ? Pourquoi les sages et les initiés de l’histoire n’ont-ils pas simplement écrit la vérité en toutes lettres, comme dans un manuel scolaire ? Pourquoi ce symbolisme ésotérique ?
La réponse est simple : ils ne le pouvaient pas. Dans l’histoire de l’ésotérisme, le symbole n’est pas une décoration. C’est une nécessité technique.
Pour comprendre le monde invisible, il faut parler sa langue. Et cette langue, c’est le symbolisme.
Le Signe vs Le Symbole : La nuance fondamentale
Pour commencer, il faut chasser une confusion fréquente. Un symbole n’est pas un panneau de signalisation.
- Un Signe a une signification unique et arbitraire. Un panneau “Stop” veut dire “Arrêtez-vous”. Il ne veut rien dire d’autre. Il s’adresse à votre intellect.
- Un Symbole possède une infinité de sens superposés. Une croix, un pentagramme ou un lotus s’adressent à votre intuition. Ils ne définissent pas une chose, ils l’évoquent.
Comme le disait le philosophe Carl Gustav Jung, le signe est toujours moins que le concept qu’il représente, alors que « le symbole est toujours plus que ce que l’on peut dire de lui ».
Étymologie : Recoller les morceaux
Le mot lui-même nous donne la clé de sa fonction magique. “Symbole” vient du grec ancien Sumbolon.
Dans l’Antiquité, le sumbolon était un objet (une poterie, un anneau) brisé en deux morceaux. Deux amis ou contractants en gardaient chacun une moitié. Des années plus tard, en rapprochant les deux morceaux, on pouvait prouver son identité et son alliance.
Le symbole est donc ce qui « jette ensemble » (sym-ballein) deux parties séparées.
Le saviez-vous ? L’inverse exact du mot symbole est le mot Diable (du grec Diabolos), qui signifie « celui qui divise », « celui qui jette au travers ». L’ésotérisme utilise le symbole pour réunir (relier la Terre et le Ciel), là où l’adversité divise.
Le langage de l’Inconscient
Pourquoi l’ésotérisme utilise-t-il des images ? Parce que notre inconscient ne parle ni français, ni anglais.
Regardez vos rêves : ils sont faits d’images, de scénarios absurdes et de métaphores. L’inconscient est la partie de nous qui touche au sacré et à l’âme. Pour communiquer avec lui (ce que cherche à faire le mage ou l’initié), on ne peut pas utiliser le langage rationnel du quotidien.
Le symbole agit comme un pont vibratoire. Il contourne la barrière de la raison pour frapper directement l’âme. C’est pourquoi une image de Splendor Solis peut provoquer une émotion spirituelle même si on ne comprend pas intellectuellement ce qu’elle signifie.
Le silence et la protection du secret
Enfin, il y a une raison historique et pratique. Le symbole est le gardien du seuil.
Dans la tradition hermétique, on considère que la Vérité brute est dangereuse pour celui qui n’est pas prêt. « Ne donnez pas de perles aux pourceaux », dit l’Évangile. Le symbole permet de cacher la connaissance en pleine lumière.
- Pour le profane (celui qui reste à l’extérieur), le symbole n’est qu’un joli dessin ou une histoire bizarre. Il passe son chemin sans danger.
- Pour l’initié (celui qui a les clés), le symbole devient un livre ouvert qui révèle les lois de l’univers.
C’est ce qu’on appelle parfois la Langue des Oiseaux : une manière de parler où le sens caché est plus important que le sens littéral.
Conclusion : Ne regardez pas le doigt
Un proverbe bouddhiste dit : « Quand le sage montre la lune, l’idiot regarde le doigt. »
Les symboles ésotériques sont des doigts pointés vers l’invisible. Si vous les prenez au pied de la lettre (idolâtrie), vous restez bloqué. Si vous regardez ce qu’ils visent, vous commencez le véritable travail spirituel.
