L’histoire de la pensée ésotérique est une fresque immense. C’est une rivière souterraine qui coule parallèlement à l’histoire depuis l’aube de la civilisation. Parfois visible et célébrée (comme à la Renaissance), parfois chassée et cachée (comme au Moyen Âge).
Pour comprendre ce qu’est l’ésotérisme aujourd’hui, il faut savoir d’où il vient. Qui sont les gardiens de ce savoir ? Comment sommes-nous passés des prêtres égyptiens aux coachs en spiritualité ?
Attachez votre ceinture, nous allons traverser 3000 ans d’histoire en 5 minutes.
L’Antiquité : Le berceau des Mystères
Tout commence autour du bassin méditerranéen. À cette époque, la science, la religion et la magie ne font qu’un.
L’Égypte et Hermès Trismégiste
C’est la figure tutélaire de tout l’ésotérisme occidental. Hermès Trismégiste (“Le trois fois grand”) est une fusion syncrétique entre le dieu grec Hermès et le dieu égyptien Thot (dieu de l’écriture et de la magie). On lui attribue les textes fondateurs de l’Hermétisme, écrits dans les premiers siècles de notre ère à Alexandrie.
La Grèce et les Écoles de Mystères
En Grèce, tout le monde ne priait pas les dieux de la même façon. Il existait des cultes à “guichets fermés” : les Mystères (comme ceux d’Éleusis). Pour y participer, il fallait être initié. On y promettait une révélation sur la vie après la mort, loin de la religion civique officielle.
C’est aussi l’époque de Pythagore (VIe siècle av. J.-C.), qui est sans doute le premier grand “maître spirituel” occidental, mêlant mathématiques et purification de l’âme[1].
Moyen Âge et Renaissance : La survie clandestine
Avec la montée du Christianisme comme religion d’État, les cultes païens et ésotériques doivent entrer dans la clandestinité ou s’adapter.
- L’Alchimie : Elle se développe au Moyen Âge comme un art sacré. Sous couvert de transformer les métaux, les alchimistes travaillent à la transformation de l’opérant lui-même.
- La Kabbale : Dès le XIIe siècle (notamment en Provence et en Espagne), le mysticisme juif se structure et propose une lecture ésotérique de la Torah.
Le “Big Bang” de la Renaissance
Au XVe siècle, c’est la redécouverte. Cosme de Médicis demande à Marsile Ficin de traduire le Corpus Hermeticum (les textes d’Hermès) avant même de traduire Platon ! C’est un choc culturel : on réalise qu’il existe une “Sagesse Antique” (Prisca Theologia) compatible avec le Christianisme. La magie naturelle devient un sujet d’étude pour les intellectuels.
XVIIIe et XIXe siècle : L’âge des Sociétés Secrètes et de l’Occultisme
Le Siècle des Lumières est paradoxal : c’est le siècle de la Raison, mais c’est aussi celui où naissent les grandes sociétés initiatiques.
La Franc-Maçonnerie (née officiellement en 1717 à Londres) et les ordres Rose-Croix structurent l’ésotérisme en grades et en loges. On ne cherche plus la pierre philosophale dans un fourneau, mais dans le temple social.
La naissance de l’Occultisme
Au XIXe siècle, en pleine révolution industrielle, des figures comme Eliphas Lévi (un ancien séminariste) tentent de faire de la magie une science. C’est la naissance du mot Occultisme. On classe, on théorise, on explique les tarots et la haute magie par des lois “magnétiques”.
Le tournant décisif : En 1875, Helena Blavatsky fonde la Société Théosophique. Elle mélange l’ésotérisme occidental avec le Bouddhisme et l’Hindouisme. C’est elle qui introduit massivement les concepts de Karma et de Réincarnation en Occident.
Le XXe siècle et le New Age : L’explosion
Au début du XXe siècle, l’ésotérisme rencontre la psychologie naissante. Carl Gustav Jung étudie l’alchimie pour comprendre l’inconscient. Les symboles ne sont plus seulement magiques, ils deviennent psychologiques.
Le New Age (Nouvel Âge)
Dans les années 60/70, en Californie, la contre-culture s’empare de cet héritage. On mélange tout : astrologie, tarot, yoga, méditation, psychologie positive, écologie spirituelle. C’est la naissance du New Age.
La différence fondamentale ? L’ésotérisme n’est plus réservé à une élite d’initiés qui lisent le latin ou l’hébreu. Il devient accessible à tous, en librairie de poche.
Conclusion : Une quête éternelle
Que l’on soit un prêtre égyptien embaumant une momie, un alchimiste médiéval devant son athanor, ou un cadre moderne faisant du yoga, la quête est identique : trouver un sens caché à l’existence et se relier à l’Invisible.
L’ésotérisme change de visage à chaque époque, mais son cœur reste le même. C’est ce que l’historien Antoine Faivre appelait une « forme de pensée » spécifique[2], basée sur les correspondances universelles.
Notes et références :
[1] Sur Pythagore et les mystères, voir l’article détaillé de l’Encyclopédie Universalis : Pythagorisme.
[2] Antoine Faivre est la référence universitaire mondiale sur ce sujet. Voir son ouvrage majeur : Accès de l’ésotérisme occidental, Gallimard, 1986.




