La Souris Verte : une comptine née de la douleur. La face sombre d’une chanson populaire

La comptine « Une souris verte » semble à première vue un petit air enfantin inoffensif, un jeu de rimes pour amuser les tout-petits. Pourtant, derrière ses mots simples et ses sonorités joyeuses, certains chercheurs et passionnés d’histoire y voient une origine beaucoup plus tragique.
Selon une théorie largement répandue, cette chanson ne serait pas un jeu d’enfant, mais le souvenir déguisé d’un épisode sanglant de l’Histoire de France : la guerre de Vendée, survenue entre 1793 et 1796, pendant la Révolution française.

Dans cet article, nous allons examiner cette interprétation glaçante, comprendre d’où elle vient, et évaluer ce qu’elle vaut réellement.

Découvrez l’histoire de la comptine, son interprétation alchimique et maçonnique.

Le contexte historique : la guerre de Vendée

Pour comprendre cette hypothèse, il faut se replonger dans un moment très particulier de l’histoire : la guerre de Vendée.
Entre 1793 et 1796, alors que la Révolution française bat son plein, une partie de la population de l’Ouest de la France — notamment en Vendée, en Anjou et dans le Poitou — se soulève contre la République.

Les causes de cette révolte sont multiples :

  • la persécution du clergé catholique, très présent dans la région,
  • la conscription obligatoire imposée par le gouvernement révolutionnaire,
  • et plus largement, le refus d’un pouvoir centralisé et antireligieux.

Face à ces insurgés royalistes et catholiques, appelés les « Blancs », les troupes révolutionnaires, dites les « Bleus », répondent avec une violence extrême.
Villages brûlés, exécutions massives, viols, noyades collectives dans la Loire… Les représailles tournent au massacre.
On estime aujourd’hui que la guerre de Vendée a fait plus de 200 000 morts, civils et soldats confondus.

Soldat Vendéen et sa tenue verte.

C’est dans ce contexte d’horreur que certaines personnes pensent que serait née la fameuse souris verte.

La « souris verte » : un symbole des insurgés vendéens

Dans cette lecture, chaque vers de la comptine serait une métaphore des événements tragiques vécus pendant cette guerre.

Vers de la comptineInterprétation symbolique
Une souris verteLa « souris » représenterait un soldat vendéen, surnommé ainsi à cause de son uniforme vert ou de son appartenance au monde rural.
Qui courait dans l’herbeL’insurgé se cache ou tente de fuir à travers champs, littéralement « courant dans l’herbe ».
Je l’attrape par la queueL’ennemi républicain capture le paysan insurgé, souvent avec brutalité. L’expression pourrait évoquer une arrestation humiliante, voire une traque.
Je la montre à ces messieurs« Ces messieurs » désigne les autorités révolutionnaires, les juges ou officiers chargés d’interroger et d’exécuter les prisonniers.
Trempez-la dans l’huile, trempez-la dans l’eauCette phrase concentre toute la violence de la période : les supplices et tortures infligés aux Vendéens. On y voit une référence directe aux noyades de Nantes (noyades massives dans la Loire) et aux brûlures à l’huile bouillante pratiquées lors d’interrogatoires.
Ça fera un escargot tout chaudLe corps du supplicié, tordu par la douleur, est comparé à un escargot recroquevillé. L’expression « tout chaud » évoque la mort récente, dans une image à la fois macabre et poignante.

Selon cette interprétation, la comptine serait donc une chanson populaire née de la mémoire collective, un moyen détourné de transmettre un souvenir de souffrance à travers les générations, sous une forme anodine et chantée.

Une chanson comme mémoire collective

Il faut se rappeler qu’au XIXᵉ siècle, de nombreuses chansons populaires servaient à conserver la mémoire d’événements violents : guerres, révoltes, injustices…
Les paysans et les ouvriers, souvent analphabètes, transmettaient leur histoire par la voix et la musique.
Ainsi, il n’est pas impossible qu’une comptine apparemment naïve puisse avoir pour origine un traumatisme collectif.

Dans le cas de La souris verte, cette hypothèse expliquerait pourquoi aucune source écrite antérieure à la fin du XIXᵉ siècle n’a été trouvée : la chanson aurait vécu dans l’oralité, passant de bouche en bouche, avant d’être notée par des folkloristes.

Une hypothèse populaire… mais sans preuves

Si cette lecture « historique » est devenue très populaire sur Internet, il faut néanmoins rester prudent.
Aucune source d’époque, aucun témoignage direct ni document révolutionnaire ne mentionne de chanson similaire.

Les chercheurs qui ont étudié la comptine au XIXᵉ siècle — Jean-Daniel Blavignac, Eugène Rolland ou Paul Sébillot — n’ont jamais fait le lien avec la guerre de Vendée.
Leur travail s’appuyait sur la tradition orale, et dans leurs recueils, la chanson est présentée comme une formulette enfantine, pas comme une allégorie politique.

Il semble que cette interprétation soit apparue tardivement, probablement à la fin des années 1990 ou au début des années 2000, sur des blogs et forums historiques.
Depuis, elle s’est répandue sur les réseaux sociaux, portée par la fascination pour les théories cachées derrière les chansons enfantines.

En réalité, cette lecture appartient davantage à l’imaginaire moderne qu’à l’histoire du XVIIIᵉ siècle.
Elle n’en reste pas moins intéressante, car elle révèle le besoin collectif d’interpréter, de donner du sens à ce que la tradition a laissé sans explication.

Entre légende et réalité : pourquoi cette théorie séduit

Malgré l’absence de preuves, la théorie « vendéenne » fascine, car elle fonctionne parfaitement sur le plan symbolique.
Elle transforme une comptine absurde en récit tragique, lui donnant une profondeur inattendue.

Elle illustre aussi un phénomène culturel bien connu : le recyclage inconscient d’anciens récits dans les traditions populaires.
Beaucoup de chansons d’enfants ont des racines plus sombres qu’on ne le pense :

  • Au clair de la lune évoque des images d’amour charnel,
  • Il pleut, il pleut, bergère date de la Révolution,
  • Promenons-nous dans les bois serait une mise en garde contre les prédateurs masculins.

Dans cette logique, La souris verte pourrait très bien être le vestige d’une mémoire douloureuse transformée par le temps en ritournelle enfantine.

Une interprétation à prendre avec recul

Aujourd’hui, la plupart des spécialistes du folklore considèrent cette théorie comme plausible mais non démontrée.
Elle n’a jamais été documentée dans les archives de la Révolution, et aucun lien direct ne relie la chanson à la Vendée.
Cependant, elle continue de circuler, car elle permet de réenchanter l’histoire en donnant du sens à ce qui semblait absurde.

Finalement, La souris verte devient un miroir culturel :

  • soit une chanson de pure fantaisie,
  • soit le reflet codé d’un épisode sanglant,
  • soit les deux à la fois.

Et si ce flou persistait volontairement ? Car c’est justement ce mystère qui fait la force de la comptine : un texte simple, mais capable de contenir tout un pan oublié de notre mémoire collective.

📖 Pour explorer les autres facettes symboliques et ésotériques de La souris verte, découvrez la vidéo complète.

À propos de l'auteur

Tony

Créateur et animateur de la chaine youtube mysteria, je navigue entre ésotérisme, occultisme, archéologie alternative, spiritualité etc. J'essaie de traiter tous ces sujets passionnants avec une juste dose d'esprit critique, pour explorer les mondes immatériels tout en gardant les pieds sur terre.

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