Luc Besson et l’alchimie des éléments : une lecture symbolique de sa filmographie
Luc Besson est l’un des réalisateurs français les plus connus à l’international, avec des films devenus cultes comme Le Grand Bleu, Nikita ou Le Cinquième Élément. Mais derrière l’action, la poésie ou les images marquantes, son cinéma cache peut-être une structure symbolique plus profonde.
En regardant les premiers longs-métrages de Besson à travers le prisme des traditions alchimiques et des quatre éléments – Terre, Eau, Feu, Air – on découvre une véritable progression initiatique. Chaque film semble incarner un élément, et chaque héros s’y consume jusqu’à disparaître. Jusqu’à ce que tout s’unisse enfin dans Le Cinquième Élément.
Subway : l’appel de la Terre
Dans Subway (1985), Fred, interprété par Christophe Lambert, se réfugie dans les entrailles du métro parisien. Ce décor souterrain, humide et minéral, n’est pas qu’un simple arrière-plan : il est l’incarnation de la Terre, élément brut et archaïque.

Fred cherche à créer, à composer de la musique au cœur du chaos souterrain. Mais son parcours s’achève tragiquement : il meurt au moment où il réalise son rêve. En s’unissant à la Terre, il disparaît en elle.
Dans l’alchimie, la Terre représente la matière première, la base inerte mais fertile sur laquelle toute transformation commence.
Le Grand Bleu : l’appel des profondeurs
Avec Le Grand Bleu (1988), Besson nous plonge dans l’univers liquide de l’apnée. Jacques Mayol (Jean-Marc Barr) et Enzo Molinari (Jean Reno) incarnent deux rapports opposés à l’Eau, élément de dissolution et de retour à l’origine.

Enzo, emporté par sa quête de performance, y laisse sa vie. Jacques, quant à lui, s’abandonne totalement à l’océan, disparaissant dans ses abysses. L’eau ne tue pas seulement : elle engloutit, elle dissout, elle absorbe.
En alchimie, l’Eau est la matrice primordiale où les formes se dissolvent pour renaître purifiées.
Nikita : l’initiation par le Feu
Avec Nikita (1990), le ton change : place à la colère, à la violence, à la passion. Nikita est une jeune femme détruite, que l’on « brûle » pour la refondre en assassin d’élite. Mais sous la surface glacée, la flamme reste vive.

Nikita incarne le Feu, destructeur et créateur. Elle aime, elle tue, elle s’émancipe… puis disparaît, consumée par son propre élément.
Dans l’alchimie, le Feu purifie et révèle l’essence des choses. Il est l’étape nécessaire pour brûler l’ancien soi et permettre la renaissance.
Léon : l’apprenti de l’Air
Léon (1994) met en scène un tueur à gages solitaire (Jean Reno), presque invisible, qui vit comme un fantôme. Sa rencontre avec Mathilda (Natalie Portman) lui permet peu à peu de s’humaniser.

Léon incarne l’Air : insaisissable, mobile, intangible. Mais lorsqu’il s’ancre dans la réalité, lorsqu’il s’attache, il devient vulnérable… et finit par mourir, emportant son ennemi avec lui.
Dans la symbolique alchimique, l’Air représente le souffle vital, la pensée claire, mais aussi la sublimation. Léon, en s’incarnant, accepte de devenir mortel.
Quand les éléments s’éteignent : la mort des héros
Un détail frappe : dans chacun de ces films, le héros meurt ou disparaît. Fred retourne à la Terre, Jacques se dissout dans l’Eau, Nikita s’efface dans le Feu, Léon s’incarne dans l’Air pour mieux périr.
Chaque élément est à la fois accomplissement et disparition. En termes alchimiques, il s’agit d’une transmutation par la mort symbolique.
Le Dernier Combat : avant les éléments
Avant ces récits élémentaires, Besson avait réalisé Le Dernier Combat (1983), film post-apocalyptique en noir et blanc, presque muet. Dans ce monde aride et dévasté, les éléments semblent absents : pas de terre fertile, pas d’eau, un air irrespirable, un feu destructeur.
Ce film apparaît comme le « chaos originel », le creuset encore vide où rien n’est encore transmuté.
Le Cinquième Élément : l’alliance qui sauve
Avec Le Cinquième Élément (1997), Luc Besson clôt son cycle symbolique. Après la Terre, l’Eau, le Feu et l’Air, le cinquième élément apparaît : la quintessence, principe invisible qui donne sens aux quatre autres.

Leeloo (Milla Jovovich) est cet élément, mais son pouvoir ne s’active que grâce à l’amour sincère de Korben Dallas (Bruce Willis). Ici, le héros ne meurt pas. Au contraire, il vit, il aime, il fusionne.
C’est la conclusion alchimique : la transmutation n’aboutit pas à la mort, mais à la vie, grâce à l’union des forces et à l’amour.
Conclusion : un cycle alchimique au cinéma
De Subway à Léon, Luc Besson semble avoir déroulé un parcours initiatique où chaque film incarne un élément et où chaque héros disparaît au moment de son accomplissement. Avec Le Cinquième Élément, le cycle s’achève : les éléments s’unissent et trouvent leur sens dans la quintessence, dans l’amour.
Luc Besson n’a sans doute jamais revendiqué cette lecture alchimique. Mais regarder sa filmographie sous cet angle révèle une cohérence fascinante : un voyage symbolique, de la matière brute à la transmutation finale.
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