Un tournant dans l’histoire du jeu vidéo
Le 12 décembre 1998 sortait en France The Legend of Zelda: Ocarina of Time. Véritable révolution, il marque l’entrée de la licence culte de Nintendo dans la 3D. Développé par une équipe de plus de 120 personnes sous la supervision de Shigeru Miyamoto, le pari est colossal.
Le succès est immédiat : 2,5 millions de copies vendues en 30 jours, 6 millions en deux mois, pour atteindre près de 7,6 millions dans le monde. Mais au-delà des graphismes, de la musique et des mécaniques de jeu novatrices, ce qui distingue Ocarina of Time est sa profondeur symbolique.
Le voyage du héros
L’intrigue suit Link, un jeune garçon Kokiri sans fée, appelé par l’Arbre Mojo pour accomplir un destin qui le dépasse. Il reçoit l’ocarina des fées et débute une quête qui le conduira jusqu’à la princesse Zelda. Ensemble, ils découvrent que Ganondorf, chef des Gerudos, convoite la Triforce, relique des déesses Din, Nayru et Farore.
Cette narration s’inscrit dans la structure universelle du voyage du héros décrite par Joseph Campbell dans Le Héros aux mille et un visages. Comme Harry Potter, Le Seigneur des Anneaux ou Star Wars, Zelda s’appuie sur ce canevas mythologique intemporel. Mais Ocarina of Time ne s’arrête pas là.

Zelda et le Shinto : un message spirituel
Le jeu intègre des références directes au Shinto, religion traditionnelle japonaise où chaque élément de la nature possède un esprit divin, appelé Kami.
- L’Arbre Mojo incarne le Kami de la forêt.
- Les Gorons vénèrent la montagne et son dieu dragon Volvagia.
- Les Zoras protègent Jabu Jabu, divinité aquatique.
Link purifie chacun de ces sanctuaires corrompus, rétablissant l’équilibre. Enfant, il explore des temples issus directement de la nature (un arbre, une caverne, un poisson). Adulte, il traverse des temples artificiels (forêt, feu, eau, ombre, esprit), symbolisant l’impact destructeur de l’homme et de la société industrielle.

Ganondorf, venu du désert, représente l’humain mal intentionné, porteur de mort et de corruption. Sa victoire serait la victoire du monde moderne contre la nature.
La musique occupe aussi un rôle essentiel : l’ocarina permet d’invoquer le soleil, la pluie, ou encore de parler avec les esprits, comme une connexion directe aux Kami, à l’image des rituels de purification shinto.
L’enseignement des temples
Chaque temple délivre une leçon spirituelle :
- Arbre Mojo : la fatalité et la mort inévitable, même pour les êtres sacrés.
- Caverne Dodongo : l’ambivalence du feu, source de vie et de destruction.
- Ventre de Jabu Jabu : la fragilité des divinités face à la corruption.
- Temple de la Forêt : la lutte contre l’illusion et l’invisible.
- Temple du Feu : la souffrance et la renaissance à travers la destruction.
- Temple de l’Eau : l’introspection et la confrontation avec son double obscur, Dark Link.
- Temple de l’Ombre : la vérité cachée et les zones sombres de l’histoire d’Hyrule.
- Temple de l’Esprit : l’union des contraires, à travers les sorcières Koume et Kotake qui incarnent feu et glace.
Ces enseignements confèrent au jeu une dimension initiatique. Link n’est pas seulement un héros qui combat le mal : il devient un médiateur entre les hommes, les dieux et la nature.

Une enfance perdue
Au-delà du mythe et du Shinto, Ocarina of Time aborde un thème universel : le passage de l’enfance à l’âge adulte.
Enfant, Link vit dans la forêt Kokiri, symbole de l’innocence. Mais en retirant la Master Sword, il devient adulte et perd cette insouciance. Le contraste est frappant : la place du marché animée et colorée de son enfance devient une ville en ruines envahie par les morts-vivants.
Les sages incarnent les étapes de la maturité : amitié (Saria), fraternité (Darunia), amour (Ruto), sacrifice (Impa), désir (Nabooru). Plus Link avance, plus il gagne en sagesse, mais plus il perd ses attaches. La fée Navi, dernier lien avec son enfance, le quitte à la fin du jeu.
Le véritable ennemi n’est pas seulement Ganondorf. C’est le temps, qui vole l’enfance et contraint à grandir. Ocarina of Time n’est pas seulement un jeu d’action-aventure, c’est une méditation sur la perte de l’innocence et le poids de l’âge adulte.
Conclusion
The Legend of Zelda: Ocarina of Time est bien plus qu’un chef-d’œuvre vidéoludique. C’est une œuvre initiatique, où se mêlent mythologie universelle, spiritualité japonaise et réflexion existentielle.
En incarnant Link, chaque joueur rejoue son propre voyage : sauver la nature, dépasser ses peurs, et accepter le passage du temps.
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